A propos du droit de traduire – Mars 2021

L’éditeur néerlandais Meulenhoff a acheté les droits de la jeune poétesse afro-américaine Amanda Gorman (celle qui a lu son poème The Hill we Climb lors de l’investiture de Joe Biden) et en a confié la traduction en néerlandais à la traductrice et écrivaine Marieke Rijneveld.Sur les réseaux sociaux cette dernière a fait l’objet d’une campagne de déstabilisation organisée autour de l’idée qu’une écrivaine noire ne devait pas être traduite par quelqu’un de blanc. Sans doute émue par cette cabale, Marieke Rijneveld a cru devoir renoncer à ce travail de traduction. Le Pen Club de France tient à souligner la gravité de cette situation ! Va-t-on aller jusqu’à décréter que seule une femme peut traduire une femme, que seul un handicapé peut rendre dans une autre langue le texte d’un handicapé et que la couleur de la peau d’un traducteur a plus d’importance que sa compétence ? Cette dérive idéologique qui enferme chacun dans son genre ou dans sa couleur de peau est une déclaration de guerre à l’universalisme. C’est un principe cardinal autour duquel s’est construit le Pen Club. Nous redisons avec force notre attachement à l’essence du travail de traduction qui permet à tous d’avoir accès au patrimoine culturel de toute l’humanité. Ce travail de passeur peut être accompli par toute personne qui en a acquis les compétences quelle que soit sa prétendue ethnie ou son sexe. La traduction est un pont humaniste qui relie les hommes et combat l’assignation et l’enfermement.

Et pourtant le mal s’étend : Victor Obiols, le traducteur catalan du poème, qui a été remercié par son éditeur pour des raisons du même type précise à Actualité littéraire : « Ils cherchaient un profil différent, qui devait être une femme, jeune, militante et de préférence noire. »

Le traducteur éminemment compétent a ajouté avec beaucoup d’humour : « Si je ne peux pas traduire un poète parce que c’est une femme, jeune, noire, américaine du XXIe siècle, je ne peux pas non plus traduire Homère parce que je ne suis pas un Grec du huitième siècle av. J.-C. Ou je n’aurais pas pu traduire Shakespeare parce que je ne suis pas un Anglais du XVIe siècle. »

Certes, mais il est aussi compliqué de trouver un Grec du VIIIe siècle ou un Anglais du XVIe de nos jours…

Le Pen club de France s’inquiète de cette dérive idéologique grave qui met en cause l’universalité de notre patrimoine culturel.