Antoine Spire rend hommage à Gil Jouanard

Gil Jouanard est décédé le 25 Mars ; il fut un écrivain et poète remarquable en même temps qu’un passeur de culture engagé. Je l’ai retrouvé chaque année depuis les années 1990 jusqu’aux années 2000 pour les débats littéraires que nous organisions ensemble à Montpellier.

Sa jeunesse fut mouvementée auprès d’une mère fantasque et imprévisible ; jeune adulte, il s’orienta d’abord vers le journalisme. Il est trentenaire quand trois rencontres s’avèrent décisives : Rainer Maria Rilke, par son œuvre, qui l’oriente vers la poésie, René Char, bientôt son ami, qui l’encourage à publier un premier recueil, Banlieue d’Aerea(éd. P.J. Oswald, 1969). Ensuite, sa vie est rythmée par ses écrits et son rôle de militant de la diffusion culturelle autour du livre. Ainsi, en 1977, il créée les Rencontres poétiques internationales de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, ainsi que la première structure de recherche et d’animation littéraire permanente : la Maison du Livre et des Mots qu’il dirige jusqu’en 1985. En 1986, il crée à Montpellier le Centre régional des lettres du Languedoc-Roussillon et la Maison du livre et des écrivains, qu’il dirige pendant presque 20 ans.

Parmi son œuvre écrite, notons particulièrement :

-“les roses blanches” (éd. Phoebus – 2016). C’est le roman d’une vie. L’héroïne, Juliette, ressemble à la mère de Gil ; elle quitte l’école à 8 ans, travaille très jeune comme bergère ; puis elle vagabonde : de Lozère à Paris, puis aux USA, puis en Allemagne avant de revenir en France. Son fils la suit dans ses exils successifs … Il grandit avec cette mère atypique, tôt séparée de son père boulanger résistant. Il sera un enfant rêveur, passionné pour la lecture et la musique.

– ” Celui qui dut courir après les mots” (éd. Phoebus – 2018) inspiré de son enfance et de sa jeunesse ; il y raconte comment l’enfant taciturne qu’il était se mit tout à coup à parler. Mais ce ne furent pas ses mots propres qui franchirent ses lèvres, plutôt ceux de Zorro, de Tarzan, de Buffalo Bill… les héros de ses livres préférés.

Mais c’est le poète qui compte peut-être le plus : Marqué par l’œuvre de son ami Jean Follain il sait dire l’émotion suscitée par les événements les plus minuscules de nos vies ; proche de Jacques Réda, il s’attache à écrire le ressenti de la vie quotidienne, son admiration pour la nature méditerranéenne et son attachement aux objets les plus modestes. Ses textes en ont ouvert plus d’un à la poésie dont il savait transmettre le goût.