APPEL POUR LA LIBÉRATION DES PRISONNIERS POLITIQUES CUBAINS

Il y a deux ans, les 11 et 12 juillet 2021, des dizaines de milliers de Cubains se révoltaient, pacifiquement et massivement, dans un grand nombre de localités de l’île, villes et villages. Poussés dans la rue par la faim, par les constantes coupures de courant et, surtout, par le manque criant de liberté, ils réclamaient la fin de la dictature, personnifiée depuis plus de soixante ans par les frères Castro, Fidel et Raúl, et par le président fantoche désigné par celui-ci, Miguel Díaz-Canel, « élu » à près de 98% par une Assemblée nationale du Pouvoir populaire (sic), entièrement composée de membres st sympathisants du Parti communiste, seul parti autorisé.

La répression menée par le pouvoir a été et reste disproportionnée et sans pitié. Près de mille arrestations et condamnations à des peines démentielles, de plus de vingt ans de prison parfois. Les organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, Prisonners Defenders ou Cubalex, signalent de nombreux enfants parmi les victimes de la répression. Tous, femmes, enfants, adultes, sont détenus dans des conditions inhumaines et soumis à des traitements dégradants. Plusieurs d’entre eux sont des artistes, des musiciens, des journalistes indépendants qui refusent d’être inféodés au pouvoir, des bloggeurs, des youtubeurs, des écrivains. Les autorités restent sourdes à toutes les demandes d’amélioration des conditions de détention disposant par exemple du droit de visite des familles comme bon leur semble; toute perspective de libération à court terme est exclue. Face à cela, l’opposant Guillermo Fariñas, prix Sakharov pour les droits de l’homme décerné en 2010 par le Parlement européen pour avoir mené de longues grèves de la faim ayant abouti à la libération de plus de 75 prisonniers incarcérés durant le « printemps noir » 2003, en a entamé une nouvelle qu’il entend mener jusqu’à ses ultimes conséquences pour parvenir à la remise en liberté de ces condamnés et de tous les autres, qui croupissent dans les geôles castristes depuis un temps immémorial.

L’Union Européenne, curieusement, poursuit avec la dictature une collaboration dans le cadre d’un Accord de dialogue politique et de coopération qui n’est nullement respecté par le gouvernement cubain, qui affiche par ailleurs une solidarité et une complicité à toute épreuve avec la Russie de Vladimir Poutine, reconnue coupable d’agression par cette même Union contre les Ukrainiens libres. Non seulement la Russie est soumise à des sanctions  économiques et politiques, mais un un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale a été lancé contre Poutine et sa commissaire aux droits de l’enfant, Maria Lvova Belova, pour déportation d’enfants ukrainiens en Russie. Au mépris des sanctions, Cuba vient d’inviter Poutine en visite officielle, après celle de Díaz-Canel en Russie en novembre 2022 pour inaugurer une statue de… Fidel Castro. Les anciennes alliances du temps de l’Union Soviétique restent d’actualité.

Parmi les structures héritées de cette période, l’Union nationale des écrivains et artistes de Cuba, l’UNEAC, ne trouve rien de mieux à faire que d’appuyer les mesures de répression contre les manifestants désarmés, ainsi que contre tous ceux qui leur déclarent leur appui, proclamant notamment : « La répression n’existe que dans les messages qui incitent à la violence (…) ». Elle est coutumière du fait : en 2003, elle avait ouvertement soutenu l’emprisonnement des 75 dissidents et l’exécution de trois jeunes Cubains. Il est invraisemblable de constater que des écrivains et artistes sont pointés du doigt par certains de leurs pairs, au service d’une idéologie totalitaire. Cette attitude, parfaitement assumée par le pouvoir castriste, est profondément contradictoire avec les valeurs de la création libre, que le PEN Club s’honore de défendre depuis plus d’un siècle.

Nous réclamons la libération immédiate et sans conditions, sans qu’ils ne soient obligés de quitter leur pays pour partir en exil, des prisonniers des 11 et 12 juillet 2021, ainsi que de tous les autres, arrêtés depuis bien plus longtemps ou plus récemment lors de nouvelles protestations, survenues en mai 2023. Nous défendons leur droit à s’exprimer en toute indépendance, en dehors des normes édictées par le pouvoir, dans la perspective de l’instauration d’une démocratie pluraliste à Cuba.

 PEN Club français, Cercle littéraire international

Paris, juillet 2023