Le cas Omar Radi

Le Comité Directeur du Pen Club français exprime publiquement son inquiétude quant au sort du journaliste d’investigation marocain M. Omar Radi emprisonné depuis 2020 après avoir été accusé d’« espionnage » et de « viol ». M. Omar Radi est connu dans son pays pour dénoncer vigoureusement la corruption et défendre résolument les droits humains.

En juin 2020 une enquête pour intelligence avec l’étranger a été diligentée contre lui, deux jours après la publication du rapport d’Amnesty international affirmant que son téléphone, comme celui de beaucoup d’opposants et de démocrates, avait été piraté par le logiciel Pegasus commercialisé par la firme israélienne NSO Group Technologies, ce qui suggère que M. Omar Radi était écouté par la sécurité marocaine. Il a été reproché à M. Omar Radi d’avoir porté « atteinte à la sécurité de l’État » et d’avoir reçu des « financements » en lien « avec des services secrets ».

Un mois plus tard, s’est ajoutée une autre affaire, à la suite d’une plainte d’une de ses collègues pour viol. M. Omar Radi qui a toujours nié le bien-fondé de ces deux accusations a été placé en détention provisoire en juillet 2020. Son confrère M. Imad Stitou a été condamné en 2021 à un an de prison dont six mois ferme pour complicité de viol, après un témoignage corroborant la version des événements de M. Omar Radi.

Il est bon de rappeler que, déjà, le 26 décembre 2019, M. Omar Radi a été placé en détention provisoire, pour un « tweet » publié en avril s’élevant contre un verdict punissant de peines de vingt ans de prison des contestataires du mouvement ayant agité le nord du Maroc en 2016 et 2017. Il avait été libéré en attente de son procès au printemps 2020 où il a écopé de quatre mois de prison avec sursis.

En 2021, à l’issue d’un procès entaché de nombreuses irrégularités, M. Omar Radi a été condamné le 19 juillet à la très lourde peine de six années de prison pour « atteinte à la sûreté extérieure et intérieure de l’État, viol et attentat à la pudeur ».

Concernant l’accusation d’espionnage, tout au long du procès, ses avocats ont souligné la nécessité de convoquer tous les témoins, y compris les diplomates et les organisations citées par l’accusation. Dans l’affaire de viol, la requête des avocats de M. Omar Radi de procéder au contre-interrogatoire d’un témoin clé de l’accusation a aussi été rejetée par le tribunal. En outre, le droit de M. Omar Radi de consulter ses avocats en toute confidentialité n’a pas été respecté. L’un de ses avocats internationaux s’est vu interdire d’assister au procès, après avoir reçu un arrêté d’expulsion.

Les accusations de viol doivent naturellement chacune être examinées au fond. Ce faisant, le Comité Directeur du Pen Club français relève que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu dans une autre affaire que la détention d’un autre journaliste marocain, également accusé de viol, correspondait à « un harcèlement judiciaire qui ne saurait qu’être la conséquence de son travail d’investigation et d’information ».

Détenu à la prison d’Oukacha à Casablanca, M. Omar Radi est à l’isolement comme un autre journaliste incarcéré M. Soulaimane Raissouni (qui lui y purge une peine de cinq ans). Un droit de visite ne lui est accordé qu’à raison de tous les quinze jours. En avril 2021, M. Omar Radi a mené une grève de la faim de 22 jours qu’il a interrompue pour ne pas mettre sa vie en danger, du fait de la maladie de Crohn qui l’affecte.

En novembre 2021, s’est ouvert le procès en appel de M. Omar Radi et de M. Imad Stitou. L’audience a été repoussée à début décembre puis à janvier 2022 (à deux reprises) et au 3 février. La prochaine audience de ce procès en appel a été fixée au 10 février.

Dans ces conditions, le Comité Directeur du Pen Club français invite ses membres et l’ensemble de l’opinion publique à intervenir notamment auprès de M. Aziz Akhanouch (Chef du gouvernement du Royaume du Maroc), de M. Abdellatif Ouahbi (Ministre de la Justice) et de l’Ambassade du Maroc en France, pour leur demander d’agir afin que M. Omar Radi puisse bénéficier d’un procès en appel équitable, conforme aux normes internationales.


À Paris, le 5 février 2022

Jean-Michel Devésa et Cécile Oumhani, au nom du Comité des auteurs persécutés
PEN Club français