29 juin à 18 h : Apulée # 7

Avec
Hubert HADDAD, rédacteur en chef,
Yahia BELASKRI et Catherine PONT-HUMBERT, membres du comité de rédaction,
Antoine SPIRE, président du Pen Club français.

Avec la participation de :
Alla BALAERT, Laure CAMBAU, Georges-Olivier CHȂTEAUREYNAUD, Charles DUTTINE, Emmanuelle FAVIER, Annie FERRET, Myriam GAUME, Sami TCHAK.

Cette rencontre a eu lieu au siège du Pen Club français : Maison de Poésie – Fondation Emile Blémont.

Antoine Spire et Yahia Belaskri
Catherine Pont-Humbert

Enregistrement de cette rencontre :

1ère partie
2ème partie

Le Compas d’Apulée

Georges-Olivier Châteaureynaud

En 1969, la première revue à laquelle j’aurais participé si j’avais rendu mon texte à temps avait été créée par Hubert Haddad et s’intitulait la Béquille de la poésie, avec pour sous-titre : Organe virtuel de l’art engagé pour l’art… Programme garanti d’époque ! Elle n’eut qu’un numéro, mais ensemble, avec quelques affidés, nous en créâmes presque aussitôt deux autres, Le Point d’être et C’, un peu moins éphémères tout de même. Créer une revue, à l’âge qui était le nôtre, c’était ouvrir, voire tenter de forcer une porte, et faire mine de s’affirmer : scribo ergo sum. C’était aussi, et c’est sans doute encore de nos jours, prendre conscience qu’on n’est pas seul, qu’on écrit avec d’autres, parfois contre d’autres, en tout cas en même temps que d’autres.

Mais les revues ne servent pas seulement de pouponnières ou de pépinières aux générations d’écrivains successives. D’époque en époque, dans leur diversité, elles jalonnent la vie littéraire. On pourrait, en quelques titres, baliser une sorte d’itinéraire qui passerait au XXe siècle par La Revue blanche, Variétés, La Nouvelle Revue Française, Littérature, Le Grand Jeu, Critique, Les Temps Modernes, Tel Quel… pour aboutir, mettons, à Apulée au XXIe siècle.

Ce qui me frappe, dans Apulée, c’est l’ouverture du compas, qui n’est pas seulement corollaire du copieux volume et de l’éclectisme des contributions qu’il permet. Cette ouverture affirmée d’entrée de jeu est au contraire intentionnelle.

Au cœur du projet initial, au-delà d’une focalisation bien réelle sur l’orbe méditerranéen et de la référence à l’auteur berbère de L’Ane d’or, elle se manifeste dans la multiplicité des thèmes directeurs de chaque numéro.

La revue se veut, écrivait Hubert Haddad dans son éditorial de la première livraison, « un lieu de transmission à ciel ouvert, un carrefour des mondes à l’écart des enjeux de pouvoir. » Si l’on reprend la suite des thèmes revendiqués lors des sept numéros à ce jour, on s’aperçoit qu’ils couvrent l’essentiel des préoccupations – ou faut-il dire des hantises contemporaines ? Les Galaxies identitaires, L’Imaginaire et les pouvoirs, La Guerre et la paix, Traduire le monde, Les Droits humains, Changer la Vie, Libertés

C’est bien de tout cela, de ces espoirs et de ces menaces que l’humanité s’obsède aujourd’hui sur tous les rivages, et non seulement autour de la Méditerranée dont Yahia Belaskri rappelait dans La mer blanche du milieu et ses fantômes (N°5) qu’elle est devenue « une mer de sang où se sont abîmés femmes, hommes et enfants. Selon l’ONG United for intercutulral action, 34361 personnes y ont trouvé la mort en 15 ans. »

De cela aussi témoigne, sans que les auteurs en aient forcément la volonté ou la conscience, chacune des contributions à la revue. C’est dans un moment de grande incertitude, que paraît Apulée. Pandémies, crises, guerre, réchauffement, chaos probable et possible extinction… Notre monde ne durera peut-être pas aussi longtemps qu’on croyait. Pour ne rien dire des Homère, des Virgile et des Apulée, nos bienheureux prédécesseurs, les Verlaine et les Mallarmé, les Proust et les Flaubert ne se posaient évidemment pas de telles questions. Leur bel aujourd’hui était vierge et vivace. Le nôtre n’est guère engageant. Il paraît usé jusqu’à la trame, fané, condamné peut-être.

D’aucuns prédisent que les lendemains d’un pareil aujourd’hui ne nous mèneront plus très loin… Apulée sera-t-elle la dernière, ou une des dernières revues littéraires avant le terminus ? J’y pense à l’instant : Paul Eluard fonda en 1944 une revue qu’il nomma L’Eternelle revue, et dont les sommaires sont tout bonnement époustouflants : y figurent Aragon bien sûr, Bataille, Char, Cadou, Jabès, Jouve, Mandiargues, Sartre… L’Eternelle revue aura, jusqu’en 1946, 6 numéros. Une chose est certaine : Apulée a d’ores et déjà franchi ce cap.

Annie Ferret
Charles Duttine
Ella Balaert
Emmanuelle Favier
Laure Cambau
Myriam Gaume
Planifié A la une Littérature contemporaine